

Inquiets pour leur avenir, des salariés du BHV se mobilisent contre l'arrivée de Shein
Au pied du BHV, plus d'une centaine de personnes scandent "Non à Shein". Mais derrière ce slogan visant le géant asiatique du commerce en ligne s'exprime une inquiétude plus profonde quant à l'avenir de ce grand magasin mythique du centre de Paris.
L'intersyndicale du Bazar de l'Hôtel de Ville (CFDT, CFTC, CFE-CGC, CGT, SUD Solidaires) a appelé à un débrayage de 15H00 à 18H00, qui n'a pas empêché le fonctionnement de l'établissement au premier jour de la "BHV Week", opération de promotions prévue jusqu'au 19 octobre.
"Merlin, Merlin, arrête ton baratin", chante aussi la foule de manifestants à l'adresse de Frédéric Merlin, président de la foncière SGM qui a racheté le fonds de commerce du BHV aux Galeries Lafayette en 2023.
En cause, l'implantation de Shein, marque de mode ultra-éphémère régulièrement accusée de pollution environnementale, de concurrence déloyale ou encore de conditions de travail indignes, prévue en novembre au sixième étage du BHV.
Ce projet, dont l'annonce a soulevé un tollé, chez les commerçants comme chez les politiques, "menace à court terme" la "survie" du magasin, s'alarment les syndicats.
"Shein ne correspond pas du tout aux valeurs du BHV, des grands magasins, et aux valeurs des marques, en fait, qui sont présentes au BHV", a expliqué à la presse Dorothée, porte-parole de l'intersyndicale, qui n'a pas souhaité donner son nom de famille.
Présent pour soutenir les grévistes, l'adjoint au commerce à la mairie de Paris, Nicolas Bonnet-Oulaldj, s'est à nouveau dit "totalement opposé à la venue de Shein", assurant partager "l'inquiétude" des salariés.
La SGM s'est au contraire dite auprès de l'AFP "convaincue" que ce partenariat était "bénéfique pour le groupe et ses salariés", affirmant vouloir "maintenir le dialogue avec les salariés et syndicats pour leur expliquer l'intérêt de ce projet".
Au-delà de l'arrivée de Shein, la situation du BHV n'a cessé de se dégrader depuis sa reprise en main par Frédéric Merlin, selon les syndicats.
- "plus de marchandises" -
Outre la suppression "de plus de 300 emplois directs", ils pointent dans un communiqué l'accumulation d'impayés qui a poussé plusieurs fournisseurs - comme le Slip Français - à quitter le BHV ou suspendre leurs livraisons.
Plus récemment, d'autres marques (AIME, Culture Vintage, Talm...) ont plié bagage pour protester contre le partenariat avec Shein.
"Il y a des marques qui partent, qui reviennent, comme dans un soap-opera", a déploré auprès de l'AFP une salariée gréviste de 45 ans, qui a souhaité rester anonyme et pour qui la "problématique est plus profonde" que l'arrivée de Shein.
"On nous demande toujours plus", ajoute celle qui travaille depuis 21 ans au BHV, citant le "sous-effectif" ou encore le non-versement de primes de participation.
Pour ne rien arranger, mercredi, la Banque des territoires s'est retirée des négociations entamées en juin avec la SGM pour l'aider à racheter les murs du BHV, invoquant "une rupture de confiance". La SGM a assuré de son côté avoir "d'autres partenaires qui ont confirmé leur engagement".
De son côté, Nicolas Bonnet-Oulaldj assure à l'AFP oeuvrer en coulisses pour un "autre chemin" : "On essaie de convaincre la direction générale et M. Merlin, on essaie de travailler avec la Banque des territoires pour une autre vision et relancer le BHV", dont le sort met en danger "toute l'économie du quartier".
"La vraie crainte, ça va être vraiment l'avenir du magasin", a abondé Dorothée. "Comment il va pouvoir perdurer avec les marques qui partent (....) c'est très compliqué, parce qu'on n'a plus de marchandises à vendre, que notre chiffre d'affaires s'effondre".
De nombreux rayons vides témoignent de l'ampleur des difficultés, notamment dans les espaces reservés au bricolage et à la papeterie, où déambulaient toujours des clients vendredi malgré la grève.
"Il y a des réductions", a justifié une retraitée de 68 ans, pas au courant de la mobilisation. Si Shein et ses prix discount l'"interroge", celle qui préfère "acheter français" pense "aussi à la jeunesse qui n'a pas toujours les moyens".
Du côté des salariés, un non-gréviste qui avait participé à une précédente mobilisation en juillet, a dénoncé auprès de l'AFP la focalisation de celle de vendredi sur Shein...et sa récupération par certains politiques.
A.Martin--JdB