

A Sofia ou Belgrade, l'exil contraint des équipes israéliennes de l'Euroligue de basket
Un derby de Tel Aviv, à plus de 1500 kilomètres de là, en Bulgarie. Depuis deux ans, Sofia et Belgrade (Serbie) sont devenues la "deuxième maison" des clubs de basket israéliens engagés en Euroligue, qui y disputent leurs rencontres européennes à domicile.
Le 8 octobre dernier, le Maccabi Tel Aviv, un des clubs les plus titrés de la prestigieuse compétition (6 sacres dont le dernier en 2014) se déplaçait chez son rival de l'Hapoël pour le compte de la troisième journée. Non pas en Israël, mais dans l'Arena Sofia, loin d'avoir fait le plein.
"À Tel Aviv, nous serions 10.000, mais mille (supporters) ici, c'est déjà bien", lance Shaul, supporter du club hôte, écharpe rouge et blanche autour du cou et qui vient pour la "septième ou huitième fois" afin de soutenir le dernier vainqueur de l'Eurocoupe.
En octobre 2023, les actionnaires de l'Euroligue ont imposé aux clubs israéliens de jouer leurs matchs internationaux sur un terrain plus sûr à cause de la guerre opposant Israël au Hamas.
Une situation similaire pour le Maccabi, l'un des 13 clubs actionnaires de la compétition et disposant d'une licence longue durée, qui s'est établi depuis un an et demi dans une autre capitale des Balkans, Belgrade.
"Vu les circonstances, après Tel Aviv, Belgrade est notre deuxième maison", affirme à l'AFP Roey Gladstone, directeur de la communication du club, sans cacher néanmoins son regret de cette expatriation contrainte.
- Liens étroits -
Du côté des familles des joueurs, Janelle Bryant, épouse de l'arrière de l'Hapoël Tel Aviv Elijah Bryant estime que "le club s'occupe de nous. On vit très bien. Sofia est plus calme qu'Istanbul", où le joueur a évolué pendant quatre saisons sous les couleurs de l'Anadolu Efes. Elle raconte que la famille s’est déjà fait des amis bulgares, dont Nikolay, assis quelques rangs plus loin.
Ce dernier se souvient avec amusement de sa première rencontre avec Elijah Bryant sur un des terrains de jeu de leur résidence. "J'ai compris très vite qu'il était fort. Quand je lui ai demandé s'il avait déjà joué, il a ri et m'a dit qu'il était champion de NBA avec les Milwaukee Bucks."
Si la Bulgarie a reconnu l'Etat de Palestine dès 1988, à l'instar des autres pays du bloc communiste, elle se targue d'entretenir de bonnes relations avec Israël de longue date, en faisant l'un de ses plus proches alliés au sein de l'UE.
Ces liens étroits tiennent beaucoup à l'émigration après 1945 de plus de 40.000 juifs bulgares, soit près de 90% de cette communauté, en Israël où ils ont largement participé à la construction du nouvel État.
Quant à la Serbie, le chef de la diplomatie israélienne l'a qualifiée le mois dernier de "lieu sûr pour les juifs et les Israéliens".
L'ancien basketteur bulgare Georgi Glouchkov, premier joueur de l'ex-bloc de l'Est à évoluer en NBA, se réjouit lui de la présence des équipes israéliennes.
"C'est une belle occasion pour les enfants bulgares de rêver. Ça fait grandir le sport", s'enthousiasme l'ex-champion, dont la présence montre que le choix de Sofia et Belgrade tient aussi aux liens personnels forts développés entre anciens joueurs et entraîneurs des deux pays.
Ce soir de match, les 12.000 place de l'Arena Sofia sont néanmoins loin d'être toutes occupées et l'ambiance des rencontres à domicile manque aux joueurs. Dans la tribune du Maccabi, en particulier, les rangs sont presque vides, occupés surtout par les compagnes et les enfants des basketteurs qui courent entre les sièges.
Mais "on sent l'amour des fans" qui ont réussi à faire le déplacement, se réjouit toutefois le meneur de l'Hapoël Chris Jones auprès de l'AFP.
- Recueillement -
"C'est étrange d'encourager son équipe à l'étranger. Ça coûte cher aussi, mais nous sommes là", ajoute Shaul quand Itay, 22 ans, affirme que "c’est un honneur de montrer Israël par le basket, partout dans le monde, même ici en Bulgarie".
Les spectateurs partagent également un moment de recueillement avec leurs hôtes, lors d'une minute de silence en mémoire des victimes de l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.
"Quand votre pays est en guerre, vous pensez à votre famille", dit Roey Gladstone, soulignant qu'au moment où les joueurs "entrent sur le parquet, leurs proches vont eux se mettre à l'abri."
Après deux heures de jeu, l'Hapoël s'incline (90-103) face à son éternel rival, et les supporters présents, bien que déçus, gardent l'espoir que le prochain match se jouera en Israël.
Toutefois, malgré l'accord de cessez-le-feu entré en vigueur le 10 octobre dernier, "le retour à l'organisation de matches en Israël ne sera envisagé qu'une fois la situation normalisé", a déclaré l'Euroligue à l'AFP.
E.Janssens--JdB