

"Nous avons peur": Israel PT inquiète face aux manifestations propalestiniennes sur la Vuelta
Visés vendredi encore par des manifestations propalestiniennes d'une ampleur inédite sur le Tour d'Espagne, les membres de l'équipe cycliste Israel Premier Tech avouent leur "peur" alors qu'il reste encore plus d'une semaine de course jusqu'à l'arrivée à Madrid.
"Nous avons peur. On subit des insultes, toutes sortes d'attaques verbales, c'est dur", a confié un des deux directeurs sportifs présents sur la course, l'Espagnol Oscar Guerrero, à la radio Onda Cero.
"J'imagine que certains de nos coureurs pensent à se retirer et si c'était le cas, l'équipe ne les en empêcherait pas", ajoute un autre membre de l'encadrement, le Belge Eric Van Lancker, qui n'est pas sur place mais est en contact avec ses collègues.
"L'encadrement et surtout les coureurs ont peur. Ils sont exposés sur le vélo et on ne sait pas ce qui peut arriver. On a connu des protestations, y compris sur des courses en Belgique, mais elles étaient silencieuses. Ce qui arrive là est extrême", a-t-il dit au média flamand De Ochtend.
Ces tensions ont conduit le directeur technique de la Vuelta Kiko Garcia à estimer cette semaine que seul un retrait de l'équipe pourrait garantir la sécurité du peloton - une décision qui ne relève pas de lui, mais de l'Union cycliste internationale (UCI). Et ce scénario a été exclu par Israel PT, ce qui lui a valu vendredi les félicitations du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.
"Bravo à Sylvan (Adams, le milliardaire israélo-canadien patron de la formation, NDLR) et à l'équipe cycliste d'Israël pour ne pas céder à la haine et à l'intimidation. Vous faites la fierté d'Israël", a-t-il écrit dans un message publié sur son compte X officiel.
Depuis le début de la guerre à Gaza, déclenchée par l'attaque sanglante du Hamas le 7 octobre 2023 suivie par les représailles israéliennes, plusieurs courses, dont le dernier Tour de France, ont été marquées par des manifestations propalestiniennes.
Israel PT, qui est une structure privée et non une équipe-Etat comme UAE par exemple, bénéficie d'une protection renforcée lors des épreuves. La formation a aussi demandé depuis longtemps à ses coureurs de ne pas porter de maillot siglé "Israel" à l'entraînement pour éviter d'être pris pour cible.
Mais l'ampleur des protestations lors de cette 80e édition de la Vuelta atteint une nouvelle dimension dans un pays qui a reconnu l'Etat de Palestine en mai 2024 et où le soutien à la cause palestinienne est très fort.
- L'équipe poussée à se retirer -
Plusieurs étapes ont déjà été perturbées et vendredi encore l'échappée a été bloquée quelques instants par des manifestants au pied de l'ascension du redoutable Angliru.
L'incident le plus marquant s'est produit mercredi à Bilbao lors de la 11e étape qui a été raccourcie après des bousculades et heurts entre des manifestants et la police. L'arrivée a été annulée et les temps pris à trois kilomètres de la ligne.
Les coureurs vivent très mal cette situation. "C'est difficile pour moi d'exprimer une opinion sur ce qui se passe à Gaza, a expliqué Oscar Guerrero, mais je ne suis pas satisfait de ce que je vois et beaucoup de personnes au sein de l'équipe ne sont pas satisfaites de ce qui se passe à Gaza."
L'Union cycliste internationale (UCI) a condamné "fermement" les "actions" des manifestants à Bilbao et rappelé "l'importance fondamentale de la neutralité politique dans les compétitions sportives réunies au sein du mouvement olympique".
Israel-Premier Tech, qui ne compte qu'un coureur israélien dans l'effectif aligné sur la Vuelta, veut poursuivre jusqu'à Madrid, estimant qu'un retrait "créerait un précédent dangereux".
- "Haine" -
"Si on abandonne, ce sera la fin non seulement de notre équipe mais de toutes les autres aussi. Demain, ils vont protester contre les équipes de Bahrain, UAE et Astana. Il y aurait des boycotts sans fin", a insisté le patron d'Israel PT, Sylvan Adams, vendredi auprès du média israélien Sports Channel.
Dans la voiture sur la course mercredi, le milliardaire israélo-canadien avait reconnu que l'équipe avait "vécu deux jours extrêmement difficiles au Pays Basque", une région, selon lui, "connue pour être un fief d'activistes d'extrême gauche et de séparatistes".
Le mécène de 66 ans, qui se définit comme un "ambassadeur auto-proclamé d'Israël", a qualifié de "terroristes" les manifestants "parce que ce sont des gens violents", emplis de "haine".
Se félicitant du "soutien massif" du président de l'UCI David Lappartient, il a en revanche affirmé qu'ASO, organisateur de la Vuelta comme du Tour de France, avait fait pression pour que son équipe jette l'éponge.
ASO a décliné tout commentaire auprès de l'AFP.
Israel PT ira bien jusqu'à Madrid, terminus de la Vuelta le dimanche 14 septembre, a-t-il insisté, en dépit du risque de nouvelles perturbations.
M.Kohnen--JdB