Budget: les positions se tendent à deux jours d'un conclave aussi crucial qu'incertain
"La tâche est immense" pour trouver un compromis sur le budget de l'État, a reconnu mercredi Sébastien Lecornu à deux jours d'un conclave députés-sénateurs très incertain, entre un Parti socialiste à satisfaire et une droite sénatoriale extrêmement remontée, qui réclame le 49.3.
Pour avoir un budget avant le 31 décembre, "il va falloir plus de clarté" et il "va falloir aussi que les gens se parlent davantage", a affirmé devant le Sénat le Premier ministre.
Assumant son choix de laisser la main au Parlement dans les débats budgétaires, le locataire de Matignon a constaté la "désynchronisation" entre députés et sénateurs, dont les positions paraissent chaque jour plus orthogonales : "Je suis frappé de voir à quel point nous en sommes, à 48 heures" de la commission mixte paritaire (CMP), qui réunira sept députés et sept sénateurs à partir de vendredi matin au Palais Bourbon.
Ce conclave à huis clos fait figure de dernière chance pour tenter de trouver un terrain d'entente sur le projet de loi de finances pour 2026, bien plus complexe à faire aboutir que le budget de la Sécurité sociale, définitivement adopté mardi par un vote des députés.
Si un texte commun est approuvé en CMP, il sera ensuite soumis aux deux chambres du Parlement mardi pour une adoption définitive. Faute d'accord en revanche, les débats devraient probablement reprendre en janvier, après le vote d'une loi spéciale pour assurer la continuité de l'Etat.
- "Se plier en six" -
Mais entre un Sénat dominé par une droite attachée aux économies dans les dépenses de l'Etat et une Assemblée nationale où la gauche demande de nouvelles recettes fiscales, l'équation semble insoluble, a fortiori sans l'outil du 49.3, auquel M. Lecornu a renoncé.
Les deux rapporteurs généraux du Budget, Philippe Juvin pour l'Assemblée et Jean-François Husson pour le Sénat (Les Républicains tous les deux), ont déjà multiplié les échanges.
Mais l'hypothèse de réunir une "CMP à blanc" pour négocier en amont du conclave officiel, une option proposée par le Premier ministre, n'a toujours pas pu se concrétiser.
D'autant que les postures se sont considérablement tendues mercredi.
D'une part du côté du groupe socialiste de l'Assemblée, où l'on a mis en avant une condition pour une éventuelle abstention sur le budget : obtenir au moins 10 milliards d'euros de recettes supplémentaires par rapport au budget initial du gouvernement, de manière à retirer certaines coupes dans les services publics ou l'écologie.
Mais aussi, et surtout, du côté de la chambre haute, où le puissant groupe LR a multiplié les interpellations en direction de l'exécutif lors d'une séance de Questions au gouvernement assez houleuse, une rareté au Palais du Luxembourg, plus policé que l'Assemblée.
- "Faire un choix" -
"Gouverner, c'est choisir. Il faut faire un choix entre les tenants de la taxe et de la surtaxe ou les tenants, comme nous le sommes ici, des économies", a lancé Mathieu Darnaud, chef de la droite sénatoriale, à l'attention de M. Lecornu.
Un peu plus tôt, Bruno Retailleau avait lancé les hostilités en refusant catégoriquement la demande des socialistes: "A ces conditions-là, qui sont des conditions néfastes pour le pays, ce n'est pas acceptable", a dit sur TF1 le patron des Républicains, ténor de la droite au Sénat.
Ses troupes ne se cachent même plus pour demander ouvertement le retour du 49.3 pour entériner un hypothétique accord en CMP, où l'ancien "socle commun" est majoritaire.
"Nous ne renierons pas l'essentiel et nous demandons que les conclusions de la CMP soient votées à l'Assemblée nationale, quitte à utiliser le 49.3", a martelé l'ex-ministre LR Sophie Primas, rejoignant de nombreuses voix dont celle du président du Sénat Gérard Larcher ou encore de l'ex-Première ministre Elisabeth Borne.
"Il faut qu'il bouge (sur le 49.3) avant la CMP, sinon c'est mort, ça ne marchera pas", explicite une sénatrice LR.
Une source socialiste au Sénat reconnaît volontiers que "le 49.3 est la seule manière d'avoir un budget au 31 décembre"... Renvoyant néanmoins cette responsabilité au chef du gouvernement.
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A.Parmentier--JdB