

Procès Naouri/Casino: le parquet réclame une condamnation générale
Le parquet a réclamé jeudi la condamnation de l'ex-PDG du groupe Casino, Jean-Charles Naouri, pour manipulation de cours et corruption, soupçonné d'avoir manœuvré pour maintenir artificiellement le prix de l'action de son entreprise en 2018 et 2019.
Les peines requises par le parquet national financier (PNF) sont attendues dans la soirée.
Les procureurs ont également réclamé la condamnation pour les mêmes infractions du patron de presse Nicolas Miguet, qui avait défendu sans relâche l'action Casino dans ses diverses publications, parfois au mépris de la réalité du marché.
Ce dernier, qui s'est forgé une réputation sulfureuse dans les milieux du boursicotage - il a déjà été condamné à plusieurs reprises pour des faits comparables -, avait conclu une "convention" supposément de "conseils" avec le groupe de grande distribution: 823.000 euros de rémunération en neuf mois.
Or, "la convention de conseil est à la délinquance en col blanc ce que la valise de billets est au blanchiment de trafic de stupéfiants", ont ironisé les deux représentants du parquet, qui ont prévu cinq heures de réquisitions pour détailler leurs charges, après huit journées de débat.
Jean-Charles Naouri avait accepté de rencontrer Nicolas Miguet en septembre 2018, au moment même où l'action Casino décrochait en Bourse. Vingt-quatre heures plus tard, le contrat était signé.
Presque une coïncidence, avaient assuré les deux prévenus à la barre, se bornant à résumer les "conseils" par la création d'un club d'actionnaires - jamais réalisé - ou dynamiser les assemblées générales - sans résultat probant.
L'objet de la rencontre et de l'accord, pour l'accusation, est tout autre: "Il y a un stress maximum à la tête de Casino, presque de désespoir: Jean-Charles Naouri sait que son image, sa fortune, sont susceptibles de s'écrouler", le magnat des supermarchés étant convaincu de faire l'objet d'une attaque imminente et hostile du groupe Carrefour. "Ce qui n'est pas l'objet de ce procès", a pris soin de balayer le ministère public.
"L'intérêt pour Jean-Charles Naouri, c'est de défendre le cours de Casino. Celui de Nicolas Miguet, c'est d'augmenter son chiffre d'affaires: il a gagné à cette période 10.000 abonnés", rappellent les procureurs.
Car M. Miguet dispose de diverses lettres boursières et d'un service Audiotel, dans lesquels il prodigue des conseils boursiers. En l'espèce, durant la période: "acheter, racheter, conserver les actions Casino".
"Ils ont fait des petits porteurs de la simple chair à canon", ont tonné les deux procureurs, alors que, quelques heures plus tôt, l'avocat d'un agriculteur du Nord rappelait que son client avait "acheté 44.000 actions Casino d'une quarantaine d'euros chacun; cinq ans plus tard, elles valent 0,46 euro".
- "Du grand art!" -
Et si "Jean-Claude Naouri avait décidé de tendre un piège à Carrefour", tous les mis en cause "ont un objectif commun: sauver coûte que coûte le cours de Casino, y compris par des moyens illégaux", répètent encore les deux représentants du PNF.
A propos du chef de manipulation de cours par diffusion de fausses informations - selon les procureurs "créées sur mesure pour les besoins de Casino" -, il a notamment été rappelé le "conseil" de M. Miguet de "feuilletonner" le récit de la contre-offensive de Casino et de la supposée remontée de son cours. Réaction par SMS d'un bras droit de Jean-Charles Naouri: "Du grand art!"
"Dans ce dossier, la manipulation affleure à tous les étages", tempêtent encore les deux procureurs, en relevant que Nicolas Miguet avait en outre "un intérêt personnel" à soutenir le groupe en difficulté pour détenir 125.000 actions pendant la période de la convention, soit 3 millions d'euros de valeur: "Il s'est donc condamné lui-même à dire du bien de l'action Casino".
Tombée 2024 dans l'escarcelle du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky au terme d'une restructuration spectaculaire de sa dette devenue insoutenable, l'entreprise Casino est également poursuivie en tant que personne morale, ainsi que trois anciens hauts cadres.
La défense doit plaider à partir de lundi.
pab/cal/dch
A.Parmentier--JdB