

Drones militaires: Destinus se projette en France pour passer à l'"échelle industrielle"
Fournisseur clé de l'armée ukrainienne, l'entrepreneur né en Russie et opposant au Kremlin Mikhaïl Kokoritch, cherche à "étendre" à moyen terme la production de ses drones militaires en France pour passer à une échelle "industrielle".
"On a produit cette année 10.000 grands drones. C'est un gros chiffre mais on doit passer à une échelle industrielle, pour arriver à 100.000 par an", estime dans un entretien à l'AFP, le PDG de Destinus, depuis le salon européen du drone qui se clôture jeudi à Bordeaux.
Pour cet entrepreneur sibérien en exil depuis 2012 - il a renoncé à la nationalité russe en 2024 -, "la France fait partie des principaux candidats" pour accueillir son projet "d'usine géante et automatisée", calquée sur "les échelles de production de l'automobile", mais qui demande plusieurs centaines de millions d'euros d'investissements.
- De l'hypersonique civil à la guerre -
"Nous prévoyons certainement de nous développer en France", assure ce physicien de formation au sujet de Destinus, dont les bureaux opérationnels sont installés à Paris et les usines d'assemblages disséminées en Espagne, Pays-Bas, Allemagne et sur le sol ukrainien.
Fondée en 2021 afin de créer un avion autonome hypersonique - un projet au-delà de Mach 5, à plus de 6.100 km/h, désormais mis "en veille" - Destinus s'est rapidement tournée vers l'industrie de la défense et revendique aujourd'hui être le principal producteur de "grands drones d'attaque" en Europe, au bénéfice de Kiev.
Pour Mikhaïl Kokoritch, 49 ans, qui considère avoir grandi "dans la seule génération libre" de Russie, entre la chute de l'URSS et l'arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir, le conflit en Ukraine déclenché en 2022 est en réalité "une guerre" pour la défense des "valeurs européennes".
Depuis 2023, la société fournit à Kiev des drones, baptisés Lord, capables d'embarquer des dizaines de kilos d'explosifs et pouvant s'enfoncer "profondément" sur des cibles stratégiques en territoire russe, comme les installations pétrolières, se félicite M. Kokoritch.
Elle a aussi développé des drones aux airs de missiles de croisière - "Ruta" -, puis des appareils intercepteurs - "Hornet"- qui "chassent" et "explosent" au contact des Gueran-2 russes.
Ces drones d'attaques à bas coût produits par Moscou, dérivés des Shahed-136 iraniens, sont lancés massivement de nuit et épuisent la défense antiaérienne ukrainienne.
- Mur antidrone -
Destinus travaille sur une seconde version de ce drone antidrone, "plus rapide" et de "plus grande portée", avec une production prévue en "début d'année prochaine", selon son fondateur, qui compte "bientôt" livrer chaque mois "un millier" de ses armes aériennes aux forces ukrainiennes.
La jeune société aux 300 millions d'euros de chiffre d'affaires a racheté cet été une start-up suisse spécialisée dans l'intelligence artificielle et noué début octobre un partenariat avec l'industriel français de la défense Thales.
L'objectif selon Destinus: améliorer la capacité d'emport de leurs appareils, travailler sur des modèles aéroportés, largables depuis un avion de transport tactique, et développer la défense contre les menaces aériennes, alors que Bruxelles vise à créer un "mur" antidrone dans le ciel européen d'ici 2027.
"On peut innover rapidement, fabriquer à bas prix, mais nous avons besoin de gros partenaires", "expérimentés" et "complémentaires" pour "concevoir des systèmes intégrés aux systèmes militaires européens", veut croire M. Kokoritch.
Selon l'agence de presse étatique TASS, une enquête pour "participation à un groupe terroriste" a été ouverte en Russie à son encontre et vise également l'ex-oligarque Mikhaïl Khodorkovski et la légende des échecs Garry Kasparov, deux autres opposants du Kremlin en exil. Déjà déclarés "agents de l'étranger", tous ont été inscrits sur la liste russe des "terroristes et extrémistes".
"En Sibérie, on dit +Si tu as peur des loups, ne pars pas en forêt+. Si j'ai choisi d'aller en forêt, je ne peux pas organiser ma vie en ayant peur. Je n'y pense pas", balaie Kokoritch qui a grandi en Bouriatie, près de la frontière russo-mongole, à 6.000 km de Moscou, avant de s'exiler en 2012 aux Etats-Unis, puis en Europe.
D.Verstraete--JdB