

Budget: Lecornu renvoie la balle au Parlement sans convaincre gauche et RN
"Passer de la liasse de tweets à la liasse d'amendements": le Premier ministre Sébastien Lecornu renvoie la balle au Parlement pour construire un budget de compromis. Mais la gauche et le RN menacent plus que jamais de le censurer, faute de voir dans ses premières orientations la "rupture" promise.
Affirmant repartir d'une "feuille blanche" et refuser un budget "d'austérité et de régression sociale", M. Lecornu a souligné dans une interview au Parisien vendredi soir que c'est le Parlement qui "définira le budget de la Nation": "des compromis seront à trouver dans l'hémicycle", "le débat doit avoir lieu", insiste-t-il.
Sans aller jusqu'à s'engager à ne pas utiliser l'arme constitutionnelle du 49.3, qui permet de faire adopter le budget sans vote, le locataire de Matignon souhaite "ne pas être contraint" d'y recourir.
La ministre démissionnaire Agnès Pannier-Runacher (Renaissance) a salué sur France 2 samedi une "main très fortement tendue vers les parlementaires", "une main tendue qui va beaucoup vers les socialistes", avec qui le président de la République a demandé aux chefs de la coalition gouvernementale de travailler.
- "Inflexion significative" -
Mais sur le fond, le Premier ministre reste fidèle aux fondamentaux du "socle commun" réunissant LR et les macronistes, fermant la porte aux revendications phares des socialistes, qu'il s'agisse de la taxe Zucman sur les hauts patrimoines ou de la suspension de la réforme des retraites.
"Je crois qu'il faut admettre (...) que sur certains sujets, on ne sera pas capable au niveau du Parlement et dans la période présente, de trouver des voies de sortie", a admis Mme Pannier-Runacher, renvoyant la question des retraites à la prochaine élection présidentielle.
Le leader de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon a appelé dès vendredi soir la gauche à voter la motion de censure que LFI entend déposer à la reprise de la session parlementaire.
"Sans changement majeur d'orientation, nous censurerons ce gouvernement", a de son côté prévenu dans un communiqué le PS, qui ira malgré tout rencontrer "une dernière fois le Premier ministre la semaine prochaine".
"Le gouvernement doit donner un signal d'inflexion significative", a redit samedi à Bram (Aude) la présidente de la région Occitanie Carole Delga, tenante d'une ligne sociale-démocrate.
- "Droit dans le mur" -
Interrogé sur BFMTV samedi matin, le sénateur PCF Ian Brossat a jugé l'attitude du Premier ministre "très hypocrite": "le problème, c'est que sa page blanche (...) elle est pleine de lignes rouges et donc elle n'est pas vraiment blanche", a-t-il souligné.
Au-delà de la question du 49.3, les marges de manoeuvre du Parlement sont limitées, notamment par l'article 40 de la Constitution, qui empêche les parlementaires de déposer des amendements ou des propositions de loi créant des charges supplémentaires sans être compensées.
C'est au nom de cet article que la présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet a pu écarter des amendements tendant à abroger la réforme des retraites, en 2023 puis en 2024.
"Manifestement, (M. Lecornu) a décidé de ne pas rester Premier ministre très longtemps", a ironisé M. Brossat, jugeant que "si le Premier ministre persiste", on va "inévitablement vers une censure et sans doute vers une dissolution".
Le Rassemblement national ne se montre pas beaucoup plus clément.
"On a un Premier ministre qui avait promis (...) une rupture et il vient dans cette interview dire qu'il ne changera rien (...) Et donc aujourd'hui, on est avec un Premier ministre qui fonce droit dans le mur", a affirmé sur France Inter le porte-parole du groupe RN à l'Assemblée Thomas Ménagé.
Si la décision de censurer ou non le gouvernement sera prise par le groupe de Marine Le Pen "dans quelques jours ou semaines", au vu de la déclaration de politique générale et du budget, le Premier ministre "risque de devoir très rapidement refaire ses cartons", "s'il n'y a pas un changement de cap clair", a ajouté le député.
W.Lievens--JdB