Journal De Bruxelles - Menaces et chantage: au Nigeria, les applications de prêts mobiles harcèlent les emprunteurs

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Menaces et chantage: au Nigeria, les applications de prêts mobiles harcèlent les emprunteurs
Menaces et chantage: au Nigeria, les applications de prêts mobiles harcèlent les emprunteurs / Photo: Olympia DE MAISMONT - AFP

Menaces et chantage: au Nigeria, les applications de prêts mobiles harcèlent les emprunteurs

La "peur" et la "honte": c'est ce qu'a ressenti la Nigériane Mariam Ogundairo quand elle a appris qu'une grande partie de ses contacts téléphoniques avaient été informés qu'elle avait échoué à rembourser son prêt contracté via une application mobile peu scrupuleuse.

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Au Nigeria, la crise économique qui sévit depuis deux ans a favorisé la croissance d'applications mobiles de prêts ayant recours à des moyens douteux tels que menaces, chantage et diffusion de photographies privées pour forcer les particuliers à rembourser leurs emprunts.

Souvent attirés par de fausses promesses de taux d'intérêt bas, des milliers de Nigérians se tournent vers ces applications pour obtenir rapidement des prêts à court terme, alors que la flambée des prix pèse sur leur pouvoir d'achat, l'inflation annuelle s'élevant à 21,8% à la fin du mois de juillet.

Ces applications appartiennent à des organisations locales et étrangères.

À court d'argent et ayant un besoin urgent de 30.000 nairas (16,70 euros), Mariam Ogundairo a téléchargé l'une de ces applications et a enregistré son numéro de téléphone.

Le prêt lui a été rapidement accordé, mais à un taux d'intérêt de 21,6%, à rembourser sous deux semaines - un délai que Mme Ogundairo n'a pu respecter.

À ce moment-là, le taux directeur était fixé à 27,5%, et les banques appliquaient des taux allant de 27% à 48%.

Elle a alors été victime d'un déluge de harcèlement, tactique devenue la marque de fabrique de nombreuses applications de prêts dans la quatrième économie d'Afrique.

"Ils ont commencé à appeler mes contacts téléphoniques lorsque je n'ai pas pu rembourser à temps, en disant que je leur devais de l'argent", raconte-t-elle. Finalement, elle a réussi à rembourser sa dette quelques semaines plus tard.

- "Solution rapide" -

Depuis son arrivée au pouvoir en mai 2023, le président nigérian Bola Ahmed Tinubu a mis en place des réformes, soutenues par les économistes, pour relancer l'économie moribonde du pays, mais qui ont fait monter en flèche l'inflation et chuter la valeur du naira.

Près de 60% des Nigérians vivent sous le seuil de pauvreté, selon la Banque mondiale.

"Un ami me l'a recommandée (une application de prêt) parce que j'avais besoin d'une solution rapide", explique un homme de 24 ans qui a souhaité rester anonyme.

Il y a deux ans, alors étudiant en médecine, il devait trouver de l'argent pour financer la fin de ses recherches pour sa thèse. Il a emprunté 70.000 nairas (environ 39 euros) en un clin d’œil, mais la somme à rembourser s'élevait à 110.000 nairas (61,40 euros), avec une échéance d'un mois.

L'application de prêt a alors commencé à envoyer des messages à ses contacts téléphoniques, leur affirmant qu'il était un "tueur ritualiste".

En mars 2025, la Commission fédérale de la concurrence et de la protection des consommateurs (FCCPC) a approuvé 408 applications de prêt, contre 269 en septembre 2024.

En 2024, la FCCPC avait obtenu le retrait de 47 applications de prêt du Google Play Store pour diverses infractions, dont le harcèlement, et 88 autres avaient été placées sous surveillance.

En 2023, l’organisme de surveillance avait signalé la présence d’applications de prêt sur Google Play Store sans autorisation réglementaire.

- "Piège" -

La facilité d'accès et la rapidité de traitement de nombreuses applications de prêt constituent un "piège", estime Funmi Oderinde, avocate chez Citizens' Gavel, une organisation de la société civile qui a reçu jusqu'à présent 1.300 plaintes concernant des "applications de prêt numérique prédatrices".

"Les emprunteurs sont rapidement confrontés à des pratiques de recouvrement contraires à l'éthique, telles que la diffamation, le harcèlement, les menaces, les violations de la confidentialité des données", dénonce Mme Oderinde.

Certaines victimes ont formé des groupes de soutien sur Facebook. L'un d'eux compte plus de 21.000 membres.

Selon Mme Oderinde, deux personnes ayant sollicité l'aide juridique de l'organisation "auraient pu mourir" en raison du harcèlement des agents des applications de prêt, tandis qu'une autre a déclaré à Citizens' Gavel qu'une fausse nécrologie et une véritable photo nue ont été partagées à ses contacts par une application de prêt.

Dans une note envoyée aux prêteurs en août, la FCCPC a déclaré qu'elle "surveillerait périodiquement les taux d'intérêt des services de crédit à la consommation et veillerait à ce que ces taux ne soient pas abusifs".

Mais malgré les mesures réglementaires, des dizaines d'applications continuent de fonctionner sous de nouveaux noms, et les emprunteurs désespérés ne vérifient souvent pas les listes d'agrément avant de faire une demande.

Il en résulte que les usuriers "prospèrent", déplore Mme Oderinde, "en raison de la faiblesse des sanctions et de la mauvaise application de la loi".

D.Verstraete--JdB