

Afrique du Sud: des mamies "rajeunissent" sur le podium
A 17 ans, Joyce Malindi a remporté son premier concours de beauté dans le carcan étouffant de l'Afrique du Sud de l'apartheid. Cinquante-cinq ans plus tard, elle est de retour sur le podium, à l'occasion d'un concours réservé aux grands-mères.
L'événement, qui s'est déroulé dans le township de Tokoza, dans la banlieue de Johannesburg, a été précédé de prières, de discours et d'un spectacle contre la violence domestique, fléau national.
Mais l'attraction principale était sur le tapis rouge déroulé dans la salle communautaire, où de sémillantes grands-mères ont fièrement défilé.
"Cela me rajeunit" déclare à l'AFP Malindi, arrière-grand-mère de cinq enfants, avant d'amorcer quelques pas de danse sur l'air "d'Happy Mama" du légendaire musicien de jazz Hugh Masekela.
Dans cette version argentée du concours de beauté, pas de catégories maillot de bain ou tenue de soirée. Les belles ont défilé dans leurs habits du dimanche, de la robe d'été sans manches au bandeau orange audacieux, du collier de perles à la tenue traditionnelle.
Le public, pour la plupart des femmes du groupe de soutien Sukuma Mbokodo qui a organisé le spectacle, applaudit, encourage et filme avec ses téléphones.
- "Jeune à nouveau"
Dans le stand du maquillage, priorité aux rouges à lèvres aux tons de baies, mais la plupart des candidates ont choisi d'exposer leurs visages nus et leurs sourires éclatants. la plus jeune participante a 63 ans, la plus âgée 81.
C'est la septuagénaire Margaret Fatyela qui a remporté la couronne argentée.
"Maintenant, nous sommes comme des écolières", dit-elle, assise près de son premier prix, un service à thé et un sac d'articles de toilette.
C'est la première fois que cette ancienne employée de maison et mère de huit enfants participe à un concours de beauté. "J'ai l'impression d'être à nouveau jeune, capable de tout faire", dit-elle en regardant la première dauphine, Lidia Mokoena.
Pour les organisateurs, l'événement visait à célébrer les grands-mères et arrière-grands-mères si importantes dans la société sud-africaine, largement appauvrie, même si elles restent le plus souvent dans l'ombre.
Selon les données officielles, près de quatre enfants sur dix sont élevés dans des foyers dirigés par des grands-parents.
De nombreux parents sont contraints de déménager pour trouver du travail. Avec le taux élevé de grossesses chez les adolescentes et les décès liés au sida, ce sont autant de facteurs qui contribuent à cette situation.
"Souvent, dès qu'ils prennent leur retraite, elles deviennent des citoyennes oubliées. Tout ce qu'elles font, c'est s'occuper de leurs arrière-petits-enfants et de leurs petits-enfants", explique à l'AFP Bridget Thusi, une fonctionnaire locale.
"Voir des programmes comme celui-ci où elles sont célébrées et où elles oublient un temps les problèmes domestiques est vraiment une chose étonnante", ajoute-t-elle.
"A notre âge, nous pensions peut-être que comme nos maris ne sont plus là, c'est la fin du monde" dit Joyce Malindi, qui a perdu son mari il y a quatre ans. Mais cet événement "nous remonte le moral (...) Nous sommes toujours en vivantes et la vie continue".
E.Carlier--JdB