Hong Kong: verdict lundi pour l'ex-magnat prodémocratie Jimmy Lai, accusé d'atteinte à la sécurité nationale
Jimmy Lai, l'ancien magnat des médias prodémocratie de Hong Kong, connaîtra lundi le verdict de son procès pour atteinte à la sécurité nationale, considéré par les défenseurs des droits comme emblématique de l'érosion des libertés politiques dans ce territoire chinois.
M. Lai est accusé de collusion avec l'étranger en vertu de la loi sur la sécurité nationale imposée par Pékin après les vastes manifestations prodémocratie, parfois violentes, qui ont secoué Hong Kong en 2019.
Disposant d'un passeport britannique, le fondateur du journal prodémocratie Apple Daily, aujourd'hui interdit, est emprisonné depuis 2020. Âgé de 78 ans, il est maintenu à l'isolement, selon ses enfants.
Des journalistes patientaient déjà vendredi à l'extérieur du tribunal de West Kowloon pour espérer obtenir une place à l'intérieur de la salle d'audience où le verdict sera lu lundi.
L'audience "pour verdict", prévue pour durer une heure, se tiendra devant trois juges lundi à 10H00 (02H00 GMT), indique le calendrier du tribunal consulté par l'AFP. Le tribunal annoncera si Jimmy Lai est reconnu coupable ou non des faits qui lui sont reprochés. Les peines éventuelles seront prononcées à une date ultérieure, non précisée.
Les audiences du procès de Jimmy Lai ont souvent attiré une foule de soutiens et de journalistes, poussant à l'organisation d'une retransmission dans une autre partie du tribunal faute de place.
En plus des accusations de collusion, passibles de la prison à vie, le magnat est poursuivi pour "publications séditieuses" concernant 161 contenus, parmi lesquels des publications sur les réseaux sociaux et des éditoriaux signés de son nom.
Au cours de son procès, ouvert en décembre 2023, M. Lai a plaidé non coupable et affirmé n'avoir jamais prôné le séparatisme ou la résistance violente. Il a également nié avoir appelé à des sanctions occidentales contre la Chine et Hong Kong.
"Les valeurs fondamentales de l'Apple Daily sont en fait les valeurs fondamentales du peuple de Hong Kong", dont "l’État de droit, la liberté, la recherche de la démocratie, la liberté d'expression, la liberté de religion, la liberté de réunion", a-t-il plaidé.
- "Parodie de justice" -
Alors que plusieurs pays occidentaux et organisations de défense des droits humains réclament sa libération, les autorités hongkongaises affirment que cette affaire a été "traitée uniquement sur la base de preuves et conformément à la loi".
Vendredi, l'ONG Reporters sans frontières a exprimé son indignation face à l'annonce "au dernier moment" du verdict à venir, condamnant un procès "arbitraire et illégal" et appelant le Royaume-Uni et les États-Unis à faire pression sur la Chine pour faire libérer M. Lai. "Ce verdict déterminera non seulement le sort de Jimmy Lai mais aussi l'avenir de la liberté de la presse" à Hong Kong, a jugé l'organisation.
De son côté, le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) a dénoncé une "parodie de justice". "Son procès pour atteinte à la sécurité nationale devait durer 30 jours lorsqu'il a débuté en décembre 2023, après de multiples reports. Il dure maintenant depuis deux ans", a déclaré l'ONG vendredi dans un communiqué, exprimant "des inquiétudes sérieuses que cet homme de 78 ans ne meure en prison à mesure que les jours passent".
- État de santé incertain -
Pékin "soutient fermement" Hong Kong dans "le maintien de la sécurité nationale conformément à la loi et la répression des actes criminels qui mettent en danger la sécurité nationale", a affirmé vendredi le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Guo Jiakun, lors d'une conférence de presse habituelle.
Tout au long du procès, Jimmy Lai a répondu à des questions portant sur ses opinions politiques, son style de management et ses contacts à l'étranger. Il s'est décrit au moins deux fois comme un "prisonnier politique", s'attirant des reproches des juges.
Les enfants du magnat, réfugiés aux États-Unis, ont fait part la semaine dernière d'inquiétudes concernant la santé de leur père en détention.
"Ses ongles deviennent presque violets, gris et verdâtres avant de tomber, et ses dents pourrissent", a déclaré sa fille Claire Lai à l'AFP lors d'une visite à Washington, où la famille cherche à mobiliser du soutien pour son père.
Le gouvernement de Hong Kong a souligné que M. Lai était soumis aux mêmes conditions de détention que "les autres détenus".
E.Carlier--JdB