

Colonies israéliennes: plainte contre Airbnb et Booking, accusés de favoriser le "tourisme d'occupation"
Une plainte pour complicité et recel aggravé de crimes de guerre vise les plateformes Airbnb et Booking.com, accusées par La Ligue des droits de l'Homme (LDH) de favoriser le "tourisme d'occupation", avec des annonces de logements dans les colonies israéliennes implantées dans les territoires palestiniens.
"Ces multinationales, en offrant leurs services et leurs prestations, permettent et facilitent, tant directement qu'indirectement, la création (...) et l'extension des colonies israéliennes" et "en tirent des profits colossaux", souligne la plainte avec constitution de partie civile, déposée jeudi à Paris par Me Patrick Baudouin.
Les colonies israéliennes sont illégales au regard du droit international.
"Malgré les alertes des organismes des Nations unies et de diverses associations de droits de l'Homme", les pratiques de Booking.com et Airbnb constituent aux yeux de la LDH "une aide (...) au plan concerté israélien de colonisation et de destruction de la population palestinienne".
Airbnb ne précise pas que les biens proposés à la location sont situés en territoire palestinien: elle indique simplement le nom de la colonie, sans préciser que cela en est une, comme Ariel ou Yakir.
Booking.com, de son côté, mentionne que les logements sont situés dans des colonies israéliennes et que ces dernières sont en "Palestine".
Les descriptions évoquent des lieux d'intérêt touristique et leurs distances avec le logement, telles la Mosquée d'Omar ou la Basilique de la nativité, participant ainsi "à entretenir un tourisme d'occupation", dénonce Me Baudouin.
L'occupation des territoires palestiniens par Israël est régulièrement dénoncée par l'ONU, qui recensait le 26 septembre dernier 158 entreprises, la plupart israéliennes, liées au développement des colonies.
Le 30 juin, la rapporteure spéciale des Nations Unies sur la situation des droits de l'Homme dans les territoires palestiniens occupés, Francesca Albanese, a dénoncé le comportement des principales plateformes de voyage qui vendent un tourisme qui "légitime l'annexion".
- Des plaintes ailleurs -
Sollicités jeudi par l'AFP, Airbnb et Booking.com n'avaient pas donné suite dans l'immédiat.
Dans un article publié en février 2025, le journal britannique The Guardian expliquait avoir identifié 402 annonces (appartements, maisons, hôtels), à la date du 30 août 2024, dans les colonies illégales en Cisjordanie et à Jérusalem-Est: 350 sur Airbnb et 52 sur Booking.com. Avec un total de 760 chambres permettant d'héberger plus de 2.000 personnes.
En novembre 2018, Airbnb avait annoncé le retrait des annonces de location dans les colonies israéliennes de Cisjordanie. Mais, poursuivie en justice en Israël et aux Etats-Unis (où des plaignants juifs américains l'accusaient de discrimination religieuse), elle les avait autorisées de nouveau en avril 2019.
Airbnb avait alors promis que tous les bénéfices générés seraient reversés pour de l'aide humanitaire dans le monde.
D'autres ONG ont déposé plainte dans d'autres pays contre ces plateformes de voyage.
En novembre 2023, une coalition de quatre organisations - SOMO, ELSC, AL-Haq et The Rights Forum - a ainsi porté plainte aux Pays-Bas contre Booking.com pour blanchiment des profits générés par des annonces dans des colonies illégales. Cette plainte est toujours en cours d'examen, a indiqué à l'AFP un porte-parole du parquet néerlandais.
Et en juin dernier, les organisations GLAN, Al-Haq et Sadaka Island ont déposé des plaintes en Irlande, au Royaume-Uni et aux États-Unis contre Airbnb Ireland des chefs de complicité de crimes de guerre, blanchiment et de recel de profits issus de la colonisation.
A minima sur un an, avec une commission à 15% pour un taux d'occupation de 50% de logements proposés à 150 euros - en retenant le nombre de 760 avancé par The Guardian -, le chiffre d'affaires annuel en Cisjordanie serait de plus de 3 millions d'euros, souligne la plainte de la LDH.
Les colonies se sont développées depuis l'occupation de la Cisjordanie par Israël en 1967. Hors Jérusalem-Est annexée, plus de 500.000 Israéliens y vivent aujourd'hui, au milieu de trois millions de Palestiniens.
K.Laurent--JdB