

Léon XIV, un Américain discret arrivé à Rome par le Sud
Intellectuel brillant et polyglotte, Léon XIV apparaît depuis son élection comme un homme calme et déterminé, habité par une sensibilité aux questions sociales, une ouverture internationale et une passion pour le tennis.
Entré dans l'histoire le 8 mai en devenant le premier pape américain, Robert Francis Prevost a rapidement été salué pour sa capacité de synthèse, riche d'une expérience de terrain de 20 ans au Pérou et d'une fine connaissance des arcanes du Vatican.
Cet homme de 69 ans souriant et discret, le nez toujours chaussé de lunettes, a déjà initié un changement de style avec son charismatique prédécesseur François en tentant de trouver un équilibre délicat, à la fois proche des fidèles sans entrer dans la starification.
On l'a ainsi vu décliner à plusieurs reprises des selfies. Et mercredi, lorsque le N.1 du tennis mondial Jannik Sinner lui a proposé d'échanger quelques balles sous les ors du Vatican après lui avoir offert une raquette, ce féru de tennis a botté en touche avec humour: "Il ne vaut mieux pas ici, on risque de faire des dégâts !"
Au sein de la Curie -- le gouvernement du Vatican --, il a la réputation d'être un modéré habile à naviguer entre les courants, capable de concilier des points de vue divergents, contrastant avec l'exercice personnel du pouvoir, voire cassant, de son prédécesseur argentin.
Car Mgr Prevost n'était pas un inconnu à Rome: créé cardinal en 2023 par François, il était avant son élection à la tête du puissant dicastère (ministère) chargé des nominations des évêques dans le monde.
A ce poste délicat et stratégique, c'était un conseiller très écouté de François, lequel appréciait particulièrement cet homme qui s'est immergé des années durant dans les "périphéries" chères à l'Argentin, ces territoires éloignés ou délaissés jusqu'ici par l'Eglise.
- "Beaucoup à faire" -
Natif de Chicago, dont il est un fan de l'équipe de baseball des White Sox, Robert Francis Prevost a passé deux décennies au Pérou, où il a mené une œuvre missionnaire dans une zone reculée. Il détient d'ailleurs aussi la nationalité péruvienne.
A peine élu, il a ainsi salué dans un excellent espagnol son diocèse de Chiclayo, où François l'avait nommé en 2015.
Les habitants de cette région du nord du Pérou se souviennent d'un homme calme et humble, qui fréquentait les soupes populaires et enfilait de hautes bottes en caoutchouc pour nettoyer les maisons lors des inondations.
Un amour nourri aussi par la gastronomie puisque parmi ses plats préférés figurent des plats péruviens comme le ceviche (poisson mariné dans des agrumes et servi froid, souvent avec des oignons).
Ce parcours lui a permis d'acquérir une expérience de terrain et une vision globale ayant conduit certains observateurs à voir en lui le "moins américain des Américains".
Dans le droit sillage de François, il s'est d'ailleurs toujours rangé du côté des pauvres, prenant par exemple la défense des migrants face au président Donald Trump et à son vice-président catholique JD Vance sur les réseaux sociaux, où il a toujours été actif.
Sa connaissance profonde du droit canon l'a aussi rendu rassurant aux yeux des cardinaux conservateurs aspirant à une plus grande attention portée à la théologie.
Après la mort de François, il avait lui-même affirmé qu'il y avait "encore beaucoup à faire" au sein de l'Eglise, dans un monde différent "d'il y a dix ou 20 ans".
- Jardinier -
Ses premières interventions ont montré qu'il entendait s'inscrire dans les pas de François auquel il a rendu hommage, allant déposer une rose blanche sur sa tombe.
Il fait sienne l'obsession de François pour la paix dans le monde, se proposant comme médiateur aux belligérants du monde entier, et appelant en particulier à une paix "juste" et "durable "en Ukraine.
Né le 14 septembre 1955 d'un père d'origine française et italienne et d'une mère aux racines espagnoles, ce benjamin d'une fratrie de trois garçons a d'abord étudié au petit séminaire de l'ordre de Saint-Augustin, où il est entré en 1977. Licencié en théologie, il a aussi fait des études de mathématiques, période durant laquelle il avait aussi un petit boulot de jardinier.
Ordonné prêtre en 1982, il est envoyé pour la première fois comme missionnaire au Pérou, à Chulucanas (nord), alors qu'il prépare sa thèse, en 1986. Il y reste jusqu'en 1999 lorsqu'il rentre à Chicago comme supérieur provincial des Augustins du Midwest, puis prieur général entre 2001 et 2013.
Dès son plus jeune âge, le futur Léon jouait au prêtre avec des confiseries en guise d'hosties qu'il distribuait aux enfants du quartier, selon son frère aîné Louis.
Ce dernier se souvient avoir dit à son frère de six ans: "Tu seras pape."
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O.Meyer--JdB